samedi 5 décembre 2009

20 ans déjà...

Depuis quelques jours, j'ai la gorge nouée et les larmes aux yeux. On approche de la date fatidique. De ce massacre qui n'a fait que de me confirmer dans ma conviction féministe. Ces jeunes femmes, mes consoeurs, mes collègues sont tombés sous les balles d'un misogyne psychopathe. Et vingt ans plus tard, je pleure et je rage encore face à cette folie.

À chaque année, je me rapporte à cette journée de fin de session universitaire.

Après une journée d'examen, je met mes écouteurs de mon walkman sport jaune (le Ipod de son époque) pour écouter les nouvelles. Je me dirige vers l'arrêt d'autobus pour me rendre à mon travail. Soudainement un bulletin de nouvelle nous apprend qu'une fusillade a eu lieu à la poly. J'entends même un copain donné un compte rendue des évènements. Il a entendu les coups de feu et comme bien d'autre, il s'était caché dans les casiers. Je sens la panique, la peur, la honte dans sa voix. C'était son rêve de pouvoir aller étudier à la poly. Et maintenant ce rêve avait un goût amer.

Toute la soirée à la bibliothèque où je travaillais, les nouvelles rentre au compte goutte. Les clients nous rapporte les dernières nouvelles. J'ai hâte de rentrer pour juste savoir ce qui se passe. Une fois à la maison, je suis rivée à la télé pour savoir, pour comprendre. Je me souviens encore de ce policier qui donnait les points de presse. Lors de sa dernière apparition, il attendait de visiter les lieux pour mieux expliquer la situation auprès des journalistes. Il n'est jamais revenu. Sa fille était une des victimes.

C'est à ce moment que la tuerie m'a pris dans mes trippes. Mon père était policier. J'allais à l'université dans un domaine non-traditionnel. J'aurais pu être une des victimes. Ce n'était qu'une question de géographie. 200 kilomètres, deux petites heures de routes me séparaient d'elles. Ce massacre n'était pas chez nos voisins du sud. C'était dans ma cours de récréation.

Et j'ai pleuré avec mon père.

Dès cette époque, j'ai dénoncé les propos extrémistes des certaines féministes qui voyaient un tueur potentiel dans chaque homme. J'ai porté le ruban blanc. J'ai revendiqué mes droits hauts et forts. J'ai signé les pétitions pour le contrôle des armes à feu. J'ai même marché pour protester au parlement.

Vous savez mon ami étudiant à la poly, après il a pris une sabatique. Il n'était pas capable de franchir les lieux de son rêve. Certains des ses amis se sont même suicidés. Les blessés ont guéri et sont revenus étudier. La vie a repris son cours. Il a terminé ses études comme moi.

Vingt ans plus tard, le malaise persiste. La blessure est encore là. Pour les universitaires québécois de ma génération, ont peut jouer à six degrés de séparation. Tous connaissent quelqu'un qui était là ou pire une des victimes. En fait ce n'est jamais plus que deux degrés qui nous séparent d'elles.

Et encore aujourd'hui, je pleure avec mon père et je ne comprends toujours pas.