À 19 ans mon Papa a survécut à un accident de travail. Il
est tombé sur un tapis de transport à l’usine de pâtes et papier E.B.
Eddy. Il fut brulé par friction au
visage, aux mains, dans le dos et sur les jambes. Il a passé une année complète à l’hôpital,
six mois à l’hôpital de Hull et le reste à l’hôpital à Montréal. Et les trois années suivantes avec plusieurs
séjours pour avoir de la chirurgie plastique sur ses mains et son visage. Il y a eu une année où il subit 41 interventions
chirurgicales.
Ironiquement, cet accident c’est produit à quelques semaines
de son début comme policier. Il avait signé sa lettre d’engagement. Et c’était une journée que ça ne lui tentait
pas d’aller travailler.
Sur le dessus de sa main gauche, il a eu des greffes de
peau. Des greffes qui provenaient de sa
cuisse. À l’été, en short on voyait les
carrées blancs sur sa cuisse. Il faisait
des farces quand les gens remarquaient la peau de sa main était douce. Il leur disait en riant « évidement
c’était de la peau de fesse! »
La partie supérieure de son oreille droite était
complètement brulé. On avait fait un
boudin de peau provenant de sa nuque pour reconstruire son oreille. C’était avant la micro chirurgie, on n’avait
pu enlever les racines de cheveux. Donc
mon père avait des cheveux qui poussaient sur son oreille. Petite c’était ma responsabilité de lui
couper quand il se préparait à aller travailler.
Cet accident fut un moment révélateur et marquant. Il a changé sa vie.
Mon Papa est devenu agnostique. Cloué sur son lit d’hôpital, des prêtres
étaient venus lui donner l’extrême onction en lui disant de se laisser aller.
Mon père souffrait et se battait pour sa vie et leur a dit :
« Mes rouleaux de papiers noirs sortez ma chambre et ne revenez
jamais ». Bien que pas trop pratiquant avant, il n’est plus jamais
retourné à l’Église sauf pour mariages, baptêmes et funérailles. Quand il nous quittait la semaine dernière,
une infirmière nous a demandé s’il aurait voulu les derniers sacrements. On a
répondu en riant qu’il les avait eu quelques fois et ce n’était pas nécessaire.
|
Manon Daniels, nièce avec son oncle Bibi |
Il prenait toujours des photos avec son visage légèrement
tourné vers la droite pour masquer sa cicatrice au visage. Il existe très peu de photos de papa avec une
barbe. Il a dit que ce qui l’avait sauvé
était les femmes et l’humour. Après son
accident, très complexé, il a découvert qu’il pouvait encore séduire malgré son
apparence. Et il s’en ait donné à cœur joie…jusqu'à sa rencontre avec sa Jeannette.
Quand on lui demandait ce qui était arrivé, il y avait trois
options de réponses : la vérité, une blessure de guerre ou l’histoire de
l’ours. L’histoire de l’ours, il la
réservait généralement pour les enfants.
Avec beaucoup de gestes et de pauses dramatiques, il racontait qu’un
ours l’avait attaqué et que mon père lui avait mis la main dans la bouche pour le
retourner à l’envers. C’était drôle de
voir le visage des enfants incrédules de la chute de l’histoire. Un oncle maternel y a cru pendant longtemps
que c’était à cause d’un ours!