mercredi 26 novembre 2008

Bonne manière et martini

À tous les jours de notre enfance, à mon frère et moi, notre mère tenta de nous inculquer le minimum des bonne manières. Après avoir appris les mots magiques de merci et de s’il-vous-plaît. Nous apprîmes les bonne manière à table. À tous les soirs, nous devions dresser le couvert. La fourchette va à gauche, le couteau va à droite et la cuillère à soupe va à coté du couteau. La serviette va sous la fourchette et le verre d’eau et à vin au-dessus du couteau. Etc..

Souvent avec exaspération lors d’un repas, Maman nous disait: ne parle pas en mangeant; assis-toi comme il faut; utilise ta fourchette et ton couteau; essuie-toi la bouche avec ta serviette; on ne chante pas à table; on demande la permission pour quitter le repas; et surtout il faut remercier la cuisinière du bon repas servi.

Mon frère et moi l’écoutions d’une oreille distraite. Et nous tentions d’obéir du mieux que le pouvions aux diktats de Maman. Il ne faut pas croire que les soupers en famille était ennuyeux et très protocolaire. C’était le moment de la journée où pouvait parler de tout et de rien. Il y avait beaucoup de fou rire et de connivence. Encore aujourd’hui nous repas en famille sont une fête.

À l’adolescence, on s’aventure à aller souper chez nos amis avec leurs parents. Et comme jeune adulte, on peut se retrouver dans un banquet avec des gens très importants. Et alors là, on a pu remercier sa maman de nous avoir appris à bien se tenir à table.

Pour moi, cette révélation c’est produite quand je fus invité pour la première fois à aller manger chez ma nouvelle amie Christina. C’était l’été de mes 15 ans et Christina était dans mon cours de nation. Elle revenait d’un mois d’immersion totale en France. Elle commençait tout juste à pouvoir parler français. En état la seule qui pouvait lui parler en anglais je fus jumelé à elle. Au fils des semaines, nous avons rejoint l’équipe de water-polo et avons appris à nous connaître. Et nous sommes devenus des amies inséparables. Ses parents étaient d’origine autrichienne et avaient immigré au Canada au début des années soixante. Son père avait un doctorat et sa mère une maitrise en administration des affaires. Elle et son frère Paul étaient nés au Canada. Tout le reste de sa famille vivait en Autriche. Son père, Eric, était un directeur au ministère de l’Environnement du Canada. Sa mère, Trudie, était à la maison.

J’étais plutôt nerveuse et intimidée avant de faire la rencontre de sa famille. J’apportai des fleurs pour Madame. La maison était majestueuse avec des oeuvres d’arts partout. Et cela sans compter les énormes bibliothèques remplies de livres de toute les langues dans toutes les pièces. Au début, je ne comprenais pas tous ce qu’on disait. Les parents de Christina parlaient surtout en anglais avec un accent allemand. La conversations était un peu laborieuse mais on arrivait à se comprendre.

L’heure du souper arriva. On entre dans une salle à dîner grandiose avec un foyer en pierre qui prend tout un mûr. La table est mise avec deux fourchettes, deux couteaux et la cuillère devant les assiettes. Oh là là. Mes cours de bonne manière de Maman m’ont flashés dans ma tête. Et je la remerciais silencieusement. Je savais qu’en étant l’invitée je devais commencer à manger en premier, en prenant les ustensiles les plus éloignés de mon assiette, attendre que l’on me parle, mettre ma serviette sur mes genoux et surtout ne pas postillonner. À la fin du repas, j’ai remercié l’hôtesse pour l’excellent souper. Et Christina et moi sommes allées écouter de la musique dans sa chambre.

Quelques jours plus tard, Christina me dit que j’avais passé le test. Quel test? Le test de sa mère faisait passer à tous ses ami(e)s. Et j’étais la première à le réussir. C’était un test sur les bonne manières et la politesse. Mme Muller faisait toujours un souper élaboré avec plusieurs services pour voir comment ses ami(e)s se comporteraient à table. Il faut dire que Mme Muller provenait de la haute bourgeoisie autrichienne. On lui avait appris les bonne manières à la dure, genre attaché ses bras au corps pour qu’elle n’utilise seulement ses avants bras pour manger. Et moi fille de policier et d’une serveuse, petite-fille d’ouvriers avait réussi là où des enfants de juges et de ministres avaient échoués. Yay moi et ma maman.

Au cours des années les soupers se sont succédés avec délices et joies. J’ai découvert grâce à eux plein de nouveaux goût. J’ai pu goûter à de vrai weiner snitzel, de la salades de concombres allemandes, du vrai saucisson autrichien de contrebande, au poulet tandori, au chocolat Mozart Ball et aux vrais biscuits de Noël. Avec le temps, j’étais toujours assis à côté de M. Muller et on vidait les bouteilles de vin ensemble. Mme Muller était une excellente cuisinière. C’est elle qui m’a appris à faire des canapés avec flair et très peu d’ingrédients.

Mais surtout elle qui m’introduit au délice d’un dry martini. C’était une soirée James Bond et Mme Muller me demanda combien d’olive je prenais dans mon martini. Crânant quelque peu, je lui dit deux. Je n’avais jamais bu de Martini de ma vie. J’ai adoré à la première gorger. Et Mme Muller me montra comment faire les meilleurs martini en ville.

Encore aujourd’hui je suis connu pour mes soirées martini et mes canapés. C’est bien dire que quelques bonne manières peuvent nous mener loin...

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